Mon Histoire
De l'uniforme au désir d'en finir

Martine Laurier
Mon histoire
Pendant 29 ans, j’ai porté l’uniforme du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Derrière cet uniforme, je me suis forgé une carapace, convaincue que la force et la résilience étaient les seules voies possibles pour traverser les épreuves. Mais la réalité était tout autre.
Très tôt dans ma carrière, l’anxiété s’est installée, insidieuse, jusqu’à devenir un trouble anxieux sévère, accompagné de difficultés d’adaptation. Dans un environnement où la performance et le contrôle de soi priment, la vulnérabilité n’avait pas sa place. J’ai donc enfoui ma détresse, jusqu’à ce qu’elle devienne insupportable.
J’ai traversé deux crises suicidaires qui m’ont menée à des hospitalisations en psychiatrie. Je sais ce que c’est que de devoir enlever un uniforme respecté pour enfiler une jaquette d’hôpital. Une chute brutale, une dégringolade dont on peine à se relever. On m’a parfois étiquetée de « folle », comme si ma souffrance mentale définissait qui j’étais. Pourtant, ce n’était pas de la folie, mais une maladie aujourd’hui reconnue et stabilisée grâce à un traitement suivi depuis près de vingt ans.
Ma souffrance ne se limitait pas à mon métier. J’ai été victime d’une agression sexuelle et de violence conjugale, mais à l’époque, je ne l’ai pas rapportée à la police. Comment aurais-je pu? J’étais moi-même une policière. On m’avait appris à être forte, à ne pas être une victime. Derrière l’uniforme, j’étais une femme brisée, enfermée dans le silence.
Dix-huit ans plus tard, j’ai pris une décision pour moi-même : j’ai finalement dénoncé mon agresseur. Non pas pour la justice, mais pour me réapproprier mon histoire et mettre fin au contrôle psychologique qu’il exerçait encore sur moi. Cette démarche a été une libération, un acte de reprise de pouvoir sur ma propre vie.
En 1997, j’ai dû affronter le cauchemar de découvrir que mon enfant était atteint d’un TDAH. À l’époque, la compréhension et le soutien pour ce trouble étaient quasi inexistants. J’ai dû naviguer seule à travers les diagnostics, les consultations, les préjugés et les défis quotidiens d’un enfant en détresse.
J’ai aussi été la première femme à obtenir une pension non imposable, contestée par le ministère du Revenu, ce qui m’a plongée dans une bataille juridique éprouvante. À cela s’ajoutait un combat sans fin pour la pension alimentaire de mes enfants, face à un père travailleur autonome se déclarant moins de revenus que moi pour éviter ses obligations. J’ai dû me battre pour que mes enfants reçoivent ce à quoi ils avaient droit, jonglant entre procédures judiciaires, injustices administratives et responsabilités de mère célibataire.
Chaque épreuve a érodé mon estime de moi, jusqu’à me faire croire que la seule issue était d’en finir.
Mais après chaque chute, je me suis relevée. J’ai compris que la souffrance n’est pas une fatalité. J’ai choisi de la transformer en force.
En 2014, j’ai été la première personne en uniforme à oser parler publiquement de qui elle était derrière son uniforme. J’ai brisé l’omerta entourant la détresse psychologique chez les premiers répondants. J’ai partagé mon vécu, non pas en tant qu’experte, mais en tant que femme ayant traversé l’enfer et sachant ce que c’est que de vouloir tout abandonner.
Aujourd’hui, je ne porte plus de veste pare-balles ni de carapace. Je me livre avec authenticité, sans peur du jugement, des étiquettes ou du rejet. Je sais ce que c’est d’être marginalisée, de perdre son statut, son estime de soi et sa confiance, au point de penser que le suicide est la seule échappatoire.
Mais je suis encore là. J’ai appris à m’accepter, à m’alléger du poids des tabous. Ma mission est désormais d’aider les autres, particulièrement ceux qui portent l’uniforme et vivent avec le poids du silence. Je veux faire une différence dans la compréhension de la santé mentale, briser les tabous et soutenir ceux qui souffrent en silence avant qu’ils ne croient que l’irréversible est la seule issue.
Depuis 10 ans, je sensibilise, je témoigne, je partage. J’ai accompagné différentes organisations, premiers répondants, employeurs, militaires, étudiants. J’ai donné des conférences, participé à des émissions de télévision, de radio, des podcasts, des webinaires, des visioconférences, ici et en Europe.
Mon message a été relayé dans des articles de journaux et sur les médias sociaux, où il a touché des milliers de personnes. Ces plateformes m’ont permis d’amplifier ma voix, de rejoindre des publics variés et de contribuer à un dialogue essentiel sur la santé mentale et la prévention du suicide.
Chaque intervention a un seul but : sauver des vies.
En 2020, mon engagement a été reconnu par la Croix du service méritoire du Canada (division civile). Mais au-delà de cette distinction, ce qui compte le plus, ce sont les témoignages des personnes qui, après m’avoir entendue, se sentent moins seules et mieux outillées pour elles-mêmes et leurs proches.
Les défis liés à la santé mentale en milieu de travail ne peuvent plus être ignorés. Avec l’entrée en vigueur de la Loi 27, les employeurs ont désormais l’obligation légale de reconnaître et de prévenir les risques psychosociaux. Une avancée essentielle, qui n’existait pas lorsque j’ai moi-même sombré en 1999. Cette absence de soutien a failli me coûter la vie.
Dans tous les milieux de travail, mais encore plus chez les premiers répondants, un filet de sécurité est vital. Il ne suffit pas d’avoir des programmes de soutien sur papier : il faut que les collègues, les gestionnaires, les familles sachent reconnaître les signes de souffrance et intervenir avant qu’il ne soit trop tard. Mais pour cela, il faut former, sensibiliser, outiller.
Je suis la preuve vivante qu’il est possible de survivre à la tempête. Mon parcours n’a pas été linéaire ni facile, mais il m’a menée là où je suis aujourd’hui : mettre mon histoire au service des autres, à travers des conférences, des ateliers, des formations et du coaching.
Ensemble, bâtissons une société où plus personne ne se sentira seul face à sa détresse.
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Parce qu’ensemble, nous pouvons faire une vraie différence. 💙

De l'uniforme au désir d'en finir
Catherine Lafrance Martine Laurier
Ce livre s’adresse à tous ceux et celles qui vivent des moments difficiles, en particulier les intervenants de première ligne, tels les policiers, pompiers, ambulanciers, agents correctionnels, des professions parmi les plus stressantes, qui ont vu les taux de suicide augmenter dans leurs rangs de façon alarmante. Leurs proches, généralement démunis devant cette détresse, trouveront aussi beaucoup d’information et de soutien dans cet ouvrage franc, émouvant et surtout très utile.
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